RESISTANCE(s) : lieux de mémoire et récits d’immigration
Manoeuvre # 2
Un parcours dans le centre historique – Cahors - 22 Juin 2023
Place Jean-Jacques Chapou – Rue Lastié – Place Hélène Metges – Hôtel de Ville
Mené sur deux ans, le projet interdisciplinaire et multi-partenarial RESISTANCE(s) : lieux de mémoire et récits d’immigration a abouti à deux restitutions ; la première eut lieu le 24 juin 2017 Place des Républicains espagnols à Cahors.
La seconde édition, le 22 juin 2018, prit aussi la forme d’une manœuvre selon cette conception de "l’art action" développée au début des années 1990 au Québec. La création collective y est perçue comme un moyen de renouer avec l’environnement et de repenser la pratique de la performance. Les œuvres-manœuvres cherchent ainsi à sortir le spectateur de sa passivité habituelle afin de le faire participer au processus de création, tant physiquement qu’intellectuellement.
Cette manœuvre, principalement menée par les adolescentes impliquées dans le projet, prit cette fois la forme d’un parcours urbain et rechercha davantage à intégrer les citoyens en amont et pendant la performance.
Dans une forme de continuum avec la vie quotidienne cette manœuvre chercha également à inscrire une action poétique dans l’espace public dans ce désir de « dé-spectaculariser » le geste artistique pour ouvrir une brèche dans la cité autour d’interrogations et d’évocations à partir de « lieux de mémoire ».
Cette manœuvre eut l’honneur de compter parmi ses performeurs un ancien Résistant de la Seconde Guerre Mondiale : Monsieur Jean Bach.
Concept, écriture, mise en scène, scénographie : Mariette Bouillet
Performance : Wissem, Yaëlle, Fatima, Rosa, Diana, Nereen, Margot, Shérazade
Créations sonores : Stéphane Chabrier
Créations graphiques : Benoît Leturcq et Jean-Michel Valla du collectif A6
Médiation historique et scénographie muséale : Emmanuel Carrère du Service Patrimoine de la Ville de Cahors en partenariat avec Le Musée de la Résistance, de la Déportation et de la Libération du Lot.
Texte : Sous la Schlague de Henriette Lasnet de Lanty
Banjo : Thomas Fiancette
Photographies et vidéo : Alain Astruc
Accessoires : Delphine Legay
Impressions : Photoplan
Extrait de l’entretien entre Julie Gallagher et Mariette Bouillet, conceptrice du projet :
M. B. "-Sur cette question de la participation, j’ai envie de revenir à cette notion d’anti-spectacle auquel je tiens. Pour reprendre la définition que je lui donne, il est ce théâtre particulier qui, en dehors du spectaculaire, est davantage en quête d’un partage d’expériences en s’ouvrant, dans une démarche qui s’apparente au documentaire, à l’intime et au politique, aux rapports sociaux, aux zones mémorielles délaissées. Résistance(s) : lieux de mémoire et récits d’immigration est le fruit d’un travail processuel qui n’a jamais visé à produire un spectacle à « vendre » pour le « diffuser » et le faire rayonner. Il ne s’agit pas de la rencontre entre un public et une troupe qui interprète un texte dramatique. Il n’y a pas de public, pas de spectateurs, face à des acteurs qui jouerait une partition mais une performance collective dont la matière est tissée de la participation de nombreux citoyens en amont ou pendant la performance.
En amont, il y a ces rencontres pour récolter la parole de résistants ou d’anciens déportés mais aussi, comme je l’ai évoqué, la parole de jeunes migrants sur leur histoire, leur parcours, leurs résistances. Paroles vivantes de citoyens qui habitent dans notre ville. Face à ces témoignages, la parole des adolescentes qui ont participé au projet dès ses prémisses et qui l’ont performé dans l’espace public fut aussi très importante dans la mesure où un dialogue se composait entre nous à partir de leurs réflexions personnelles, de leur regard, de leur propre histoire en lien avec tout ce que pouvait soulever le projet autour de cette notion de résistance : Que signifie Résister ? Qui a résisté dans le passé et qui résiste aujourd’hui ? Contre quoi résiste-t-on ? Pourquoi résiste-t-on ? Quelles formes les résistances peuvent-elles prendre ?
Et puis, lors des performances elles-mêmes, et plus particulièrement, pour le parcours au cœur du Vieux Cahors de la deuxième édition (depuis la Place Chapou jusqu’à l’Hôtel de Ville), cette intégration des citoyens dans la performance fut encore plus perceptible. Rue Lastié, comme je l’ai déjà évoqué, les habitants nous ont ouvert leur maison pour nous permettre d’accéder à leur grenier d’où furent lancés des centaines de parachutes miniatures et de fac-similés de tracts de la résistance ; une famille nous permit d’installer un système sonore dans sa cuisine qui donnait sur la rue ; Place Hélène Metges, la famille Parriel nous ouvrit son garage pour créer une sorte de coulisse d’où les performeuses apparaissaient avec leurs paniers d’osier.
Tout au long du parcours, sur les temps de déplacement, d’une plaque de rue à une autre, de l’évocation d’un résistant à un autre, les performeuses sortaient de différentes cachettes, derrière des volets, des portes cochères, des vitrines, de grandes banderoles de tissus sur lesquelles avaient été imprimées des paroles de « résistances » recueillies auprès de jeunes migrants aux parcours multiples. Comme si les temps d’arrêts formaient des moments de méditations poétiques sur le passé et les temps de marche nous replongeaient dans le temps présent en nous confrontant à une parole contemporaine, une parole majoritairement peu audible, voire invisibilisée qui, soudainement, se retrouvait à investir l’espace public.
Telle une procession surprenante dans la vie de la cité, ses banderoles circulaient de mains en mains, dans une sorte de relais citoyen improvisé , de chorégraphie urbaine entre mouvements et arrêts, entre déplacements et temps de lecture, performée par les personnes présentes à ce moment-là. La dimension participative et collective prit alors toute son ampleur et cela de façon toujours très douce, non directive, dans le flux du dispositif et selon les envies ou possibilités de chacun. En quelque sorte, cette participation des gens pourrait s’interpréter comme une sorte de réappropriation collective d’une mémoire oubliée et le désir de rentrer ensemble, par une voie poétique, dans cette période particulière de l’histoire tout en se frottant aux réalités présentes.
Cette circulation des corps, des objets et des pensées avait d’ailleurs été palpable dès la première manifestation du projet lorsque les performeuses avaient relié les participants par un fil de laine rouge, tissant ainsi une sorte de toile entre toutes les personnes présentes. Il faut aussi rappeler la participation du résistant Jean Bach qui performa, âgé de plus de 80 ans, avec le collectif d’adolescentes dans ce moment si vibrant où, dans un geste lent et répétitif, il sortait en silence, d’une petite boîte en carton, une à une, pour que celles-ci les distribuent aux gens présents, les reproductions d’un cliché photographique où on pouvait le voir en armes avec des camarades résistants. La présence silencieuse et la gestuelle posée de cet « homme mémoire », assis sur cette petite chaise de paille, avec sa parole en arrière-plan, dans la composition sonore de Stéphane Chabrier, incarne de façon très sensible, ce que peut avoir de troublant la dimension participative d’un tel projet. Par sa seule présence énigmatique, Jean Bach, assis sous le buste de bronze de l’immense Chapou, convoquait toute cette armée de l’ombre, ces héros disparus, ces morts oubliés. Comme un rappel dans son regard profond et fatigué. Oui, la participation de toutes ces personnes, d’un côté ou de l’autre de la performance, dans ses face-à-face ou dans ses interactions, s’ancrait dans la possibilité d’une citoyenneté partagée et d’une mémoire collective comme espace commun à habiter et à questionner."
LES PARTENAIRES
Les espaces sociaux et citoyens du Vieux Cahors et de Terre Rouge
Le Musée de la Résistance, de la Déportation et de la Libération du Département du Lot
La Maison du Patrimoine de la Ville de Cahors
Le collectif A6 composé d’architectes et de graphistes
La Radio Antenne d’Oc.
L’association Pierres d’Espoir
LES FINANCEURS
La DILCRAH (Délégation Interministérielle de Lutte contre la Racisme, l’Antisémitisme, la Haine LGBT+)
VILLE DE CAHORS
DEPARTEMENT DU LOT
Crédits photographiques Alain Astruc
Durant l’été 2024, en plus de ses habituels séjours "théâtre" pour enfants et adolescents, OCTopus RITMO propose d’autres camps artistiques. Pour les ados, 2 camps où la pratique linguistique se conjuguera à la pratique théâtrale : un séjour "Théâtre et Anglais" (4ème édition) et un séjour "Théâtre et Espagnol" (nouveauté). OCTopus RITMO inaugure une collaboration avec la Compagnie musicale BATOUK46 pour un séjour où l’écriture de textes par des adolescents sera mise en musique, en chansons pour aboutir à un concert théâtralisé. Enfin, nous poursuivons notre collaboration avec la Compagnie Piste au nez de la balle pour un stage Théâtre-cirque pour enfants.