BABEL VOX, à l’écoute du paysage humain de mon quartier.
Processus de recherche et création
Restitution à l’Université Toulouse Jean- Jaurès Maison de la Recherche

Le projet BABEL VOX, à l’écoute du paysage humain de mon quartier a été conçu pour être mené dans l’école Lucien Bénac du quartier de Terre Rouge de Cahors.
Si l’ensemble des élèves ont pu bénéficier de deux "ateliers" de ce dispositif, soit une visite guidée du musée Henri Martin et un atelier philo avec l’Office Central pour la Coopération à l’Ecole ou scientifique avec Carrefour des sciences et des arts, les deux classes de Cm1 et Cm2 de l’école ont en revanche été davantage impliquées dans le projet dans sa globalité, et cela avec le précieux accompagnement de leurs enseignants, Jean Gabriel Tabaraud et Hélène Plasse.

Menée dans une approche ethnolinguistique, ces élèves, accompagnés par l’anthropologue Mélissa Nayral, ont réalisé une enquête anthropologique qui visait à documenter et analyser la diversité des langues parlées et les pratiques qui leur sont associées, au sein de leur école mais aussi dans le quartier de Terre Rouge où elle se situe. Quartier qui se caractérise par une mixité culturelle particulièrement importante.
C’est dans un véritable processus de recherche anthropologique qu’ils ont été plongés, nourris par les expériences transversales des autres ateliers auxquels ils ont participé. (philosophie, théâtre, visites du musée Henri Martin, ateliers autour de l’exposition "Sommes-nous tous de la même famille ?" de Carrefour des sciences et des arts)

Au terme du projet les élèves des 2 classes de Cm1 – Cm2 ont été invités à la Maison de la recherche de l’Université Toulouse Jean- Jaurès pour présenter le projet et les résultats de leurs recherches. Ils furent invités par le Séminaire Empreintes sonores qui est un Séminaire interdisciplinaire dont l’objectif est de participer au renouvellement de la réflexion sur l’étude de l’homme en société en choisissant le milieu sonore comme voie d’accès privilégiée.
Organisé par des anthropologues, acousticiens, architectes, linguistes et sociologues, ouvert à celles et ceux qui questionnent les dimensions sonores de la vie sociale.

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LE THEÂTRE DANS BABEL VOX, à l’écoute du paysage humain de mon quartier.
Une réflexion de Mariette Bouillet sur le rôle du théâtre dans le projet BABEL VOX

Les ateliers théâtre ont cherché, en premier lieu, à développer chez les enfants leur capacité d’écoute, de concentration, de mémorisation, d’expression et d’imagination. Les explorations de pratique théâtrale ont affiné leur capacité à créer dans le collectif en étant ouvert à la proposition de chacun ainsi que leur capacité à "faire groupe" en exprimant leur propre individualité. Elles ont aussi stimulé la prise de paroles par la fiction et l’improvisation dans des jeux pour trouver "sa voix de théâtre". Prise de paroles et écoute qui ont par ailleurs été mobilisés dans tous les autres ateliers auxquels ils ont participé ! Le théâtre fut ainsi pour eux ce terrain de jeux privilégié pour, en quelques sortes, se préparer individuellement et collectivement à mener ensemble, une enquête anthroplogique d’une telle envergure. Le processus de recherche exigeait en effet d’eux, une véritable capacité d’écoute, de dialogue et de coopération pour, ensemble, réfléchir, définir des axes de recherches, élaborer des questions et aller au devant de leurs camarades d’école et d’inconnus sur le terrain, en extérieur, pour mener des entretiens.

Le théâtre est aussi ce lieu où l’imprévisible, l’inattendu, l’accident demeurent cette matière avec laquelle créer et cette porosité à ce qui peut advenir, cette capacité à accueillir ce qui se passe, là, dans l’instant, cette habilité à rebondir sur ce qui vient à nous est quelque chose qui est aussi au coeur de la démarche de l’ethnologue sur le terrain.
Parallèlement à cette préparation, certaines explorations, comme la découverte de la pièce de théâtre Frigomonde de Karin Serres où l’autrice fait parler ses personnages dans des langues totalement imaginaires et inventées qui caractérisent les tribus auxquels ils appartiennent, tissaient des liens souterrains entre des notions telles que "langues et identités", "langues et territoires", "langues et rapports au monde" capables d’alimenter, de nourrir des concepts qu’ils découvraient avec l’anthropologue Mélissa Nayral. Je songe ici à la merveilleuse définition qu’ils avaient ensemble établie pour expliquer la notion complexe de "l’aspect socio-culturel d’une langue" : "C’est tout ce qui fait qu’une langue, c’est plus que des sons, des mots, des phrases, des textes."
Enfin, le théâtre, non plus seulement comme laboratoire en ateliers mais aussi comme rencontre avec un public par une forme esthétique de corps et de voix "parlants" dans un espace donné, a été cet espace de création pour prolonger ou rendre compte de l’enquête elle-même.

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En prolongement, le théâtre a été convié lors de séquences (avec des élèves et leur famille) de tableaux vivants photographiques autour de l’Odyssée de Homère, comme une invitation, dans cette mémoire antique, à réfléchir sur des notions comme l’exil, le déplacement, le déracinement. (voir onglet Tableaux vivants)
Et, pour rendre compte de la méthodologie, de la démarche, des conditions et des résultats de l’enquête, le théâtre a permis, dans cet art de la mise en scène, de donner une forme à ce processus complexe à évoquer.
Ainsi, pour la restitution du projet à La Maison de la Recherche de l’Université Jean Jaurès par le séminaire Empreintes sonores, il s’est agi pour moi de creuser encore davantage la dimension interdisciplinaire du projet : l’enquête anthroplogique, son processus et ses résultats devaient être restitués sur un mode théâtral. Cette convocation du théâtre a permis, il me semble, de créer des dynamiques, des tempos, de l’incarnation, des situations qu’une conférence classique peut difficilement susciter. Sa nature éminemment collective a révélé combien tous les élèves ont eu leur rôle à jouer dans le projet ; et sa construction a surtout permis d’apporter une clarté de lecture de sa nature processuelle. L’usage de pancartes à la Brecht, de photocopies-masques, d’accessoires, la création de scénettes et surtout la transcription d’entretiens recueillis pendant l’enquête par les enfants auprès d’adultes pour devenir un texte dramatique théâtral à apprendre et à jouer, ont permis de rendre vivante une science humaine qui, intrinsèquement, est dans cette relation vivante à son sujet d’étude. Le théâtre a cette force de dialogue avec les sciences humaines. Il est cet art qui peut sortir des seuls textes dramatiques pour interroger notre rapport au monde en s’ouvrant à d’autres écritures. Sa force est de pouvoir donner une forme et une présence à des corps et des voix dans un espace donné, par l’esthétique de la mise en scène, pour restituer une parole à un public qui est là, dans un moment partagé.

LES ATELIERS PHILOSOPHIE DANS BABEL VOX, à l’écoute du paysage humain de mon quartier

Une réflexion de Mariette Bouillet envoyée par mail à Mélissa Nayral sur un des ateliers philos’osons animé par Magali Corriere de l’Office Central Pour la Coopération à l’Ecole du Lot

"Un petit mot pour te dire que l’atelier philo avec les élèves de la classe de CE1 de l’école s’est très bien passé. Il s’est articulé autour de la notion de frontière.
Pour commencer Magali avait apporté des images que nous avions disposées dans l’espace de la bibliothèque sur différentes petites tables (à leur hauteur)
Je t’envois un lien où tu pourras voir une de ces images (il y en avait 2 autres sur ces blançoires) :
https://www.courrierinternational.com/article/etats-unis-des-balancoires-roses-travers-le-mur-la-frontiere-americano-mexicaine

Il y avait aussi un dessin avec un garçon qui traçait une ligne au sol en disant "Ici c’est chez moi"
Le support images observées en déambulation dans la bibliothèque a été plutôt fructueux, car il a construit une base concrète d’échanges ; Ces images furent ensuite disposées sur le sol au milieu du cercle constitué par les chaises et les enfants sont beaucoup revenus sur elles... Elles formèrent donc un support d’interrogations, de dialogues, de discussions.
IMAGE "espaces intimes" avec le petit garçon qui trace un trait au sol "Ici c’est chez moi"
IMAGES "espaces publics" (celle des balançoires.) comprises par les enfants comme étant un mur de séparation entre 2 pays, UNE FRONTIERE

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Le protocole fut à peu près identique :
- Analyser les images observées
- chercher collectivement une question philosophique
- voter pour choisir la question philosophique parmi les 3 questions proposées
- proposer individuellement sa réponse à la question (circulation du ballon de parole)
- rebondir sur les propositions des autres, élargir la réflexion
- clôturer le débat par des échanges de perceptions sur l’atelier philo lui-même

Les 3 questions proposées par les enfants furent :
1 A quoi servent les balançoires dans les images ?
2 Pourquoi on sépare les endroits ?
3 Comment on fait pour se rencontrer ?

La question que les enfants ont retenue fut : Pourquoi on sépare les endroits ?

Je me suis laissée porter par les échanges qui étaient, oui, plus dynamiques et rebondissants.
Je t’envoie pêle-mêle quelques réponses ou questions des enfants qui étaient vraiment inspirés par les images et la question.
LES ENFANTS : 
Réflexions directement en lien avec la question : Pourquoi on sépare les endroits ? 
Parce qu’on peut pas tous habiter la même maison
Parce que sinon les maisons elles vont se mélanger
Pour avoir des pays différents
Parce qu’on parle pas les mêmes langues, et comme ça, on peut se comprendre parce que si tout était mélangé on ne se comprendrait pas
Pour empêcher les "autres" de rentrer
Pour pouvoir aller de l’autre côté de la frontière si dans le pays où on est, il y a un gros incendie
Pour savoir où on habite
Parce qu’on habite tous dans des pays différents, on vient tous d’un endroit 
Pour pouvoir aller quelque part s’il y a la guerre

Réflexions connexes, plus indirectes ou plus personnelles :
Moi je suis allée au Canada et en Irlande mais je n’ai pas vu de frontière comme le mur sur l’image, il n’y avait pas de balançoires
Moi je suis allée à Dubaï mais je n’ai pas vu de frontière
Moi je suis allée en Roumanie et ma maman elle m’a dit "Ne parle pas en français ici, on ne va pas te comprendre"
Moi j’habite ici mais j’ai aussi une maison à Mayotte J’ai deux maisons dans deux pays différents 
 (cet enfant a alors voulu parler de sa vie là-bas, de sa famille, de ses cousins de son papa qui vit là-bas ; on a senti beaucoup d’émotions dans ce petit récit personnel, une nostalgie)
Moi je suis venu en France de l’Italie, avec ma famille, je n’ai pas vu la frontière
J’ai été à une pyjama-party et on a invité une copine ukrainienne, elle parle pas notre langue mais on s’est quand même bien amusé
Moi je suis allé à Paris

Bien sûr, il y a eu d’autres pensées qui ont circulé. Et quelques enfants n’ont absolument rien dit et étaient déconcentrés sur la fin. Ils ont en revanche globalement écouté et les consignes de débat furent vraiment respectées.
Je pense que la maîtresse a trouvé intéressant le protocole proposé par l’OCCE, notamment le fait de chercher ensemble une question.

Pour ma part, je trouve les réflexions profondes et c’est troublant cette double perception des espaces (public/privé-intime) ; l’analogie faite entre "un pays, une maison" et la question des langues différentes est très vite apparue ; 
Finalement s’est dessinée une pensée collective qui établit une sorte de lien entre : UN PAYS/ UNE MAISON/UNE LANGUE. Cela ouvre sur la question philosophique de ce que signifie "habiter quelque part" ?
Est-ce habiter dans un chez-soi, dans un endroit où on parle une même langue ?
Je songe ici à cette réponse du personnage joué par Marina Vlady à une question de son garçon dans le film 2 ou 3 choses que je sais d’elle de Jean-Luc Godard :
-Maman, qu’est-ce que c’est le langage ?
- Le langage, c’est la maison dans laquelle l’homme habite.

BABEL VOX, à l’écoute du paysage humain de mon quartier
— - Les ateliers d’anthropologie : introduction à l’anthropologie, élaboration des pistes de recherches
— - L’enquête menée dans l’école Lucien Bénac et dans le quartier de Terre Rouge
— - Présentation des analyses à l’issue de l’enquête (Séminaire Empreintes sonores – Maison de la recherche- Université Toulouse Jean Jaurès)

S’il est complexe de rendre compte de la façon de travailler de l’anthropologue Mélissa Nayral dans une classe, il est intéressant de noter qu’elle use d’une pédagogie où l’oralité est prégnante, où l’écoute est très stimulée, où la réflexion et la prise de paroles sont cesse sollicitées et où le travail se fait généralement collectivement, en petits sous-groupes puis en groupe classe. Elle peut aussi prendre appui sur le théâtre. Ses supports sont multidisciplinaires. Les enfants ont chacun un carnet de travail où rassembler, noter, ce qui a été abordé, développé, défini.
Il s’agit, me semble-t-il d’une pédagogie qui cherche en premier lieu à développer l’esprit critique de l’enfant, sa prise de parole, sa capacité à écouter et à réfléchir, en le plongeant dans des expériences sensibles et en développant son sens de l’observation.

Je trouve intéressant de vous partager ici, les thématiques, les pistes de recherches élaborées par les élèves pour mener l’enquête anthropologique, les résultats de cette recherche ethno-linguistique et quelques transcriptions d’entretiens menées sur le terrain.
Tout cela a été rédigé par Mélissa Nayral avec les enfants et a constitué le corpus central de la restitution à la Maison de la recherche lors du séminaire Empreintes sonores.

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1. LES PISTES DE RECHERCHES DE NOTRE ENQUÊTE ANTHROPOLOGIQUE

INVENTAIRE DES LANGUES

Quand nous avons fait les ateliers d’anthropologie en classe, nous avons fait la liste de toutes les langues que nous parlions autres que le français. Nous étions étonnés car il y en avait beaucoup. Par exemple : l’arabe, l’arménien, le russe, l’ukrainien, l’espagnol. Ca nous a donnés envie de savoir si c’était pareil dan les autres classes et dans le quartier.

REPARTITIONS GEOGRAPHIQUES DES LANGUES

Certains d’entre nous se sont concentrées sur la répartition géographique des langues dans le quartier.
Est-ce que toutes les langues sont parlées partout ?
Est-ce que certaines langues ne sont parlées que dans certains lieux ?
Quelles sont les langues qui sont parlées et où ?

LA SITUATION A L’ECOLE

Dans nos classes, plusieurs élèves ont une langue première qui n’est pas le français et certains d’entre nous traduisent parfois à d’autres élèves qui en ont besoin.
Parfois dans la cour, on entend des mots en arabe.
Aussi, nous apprenons l’anglais mais nous ne le parlons pas entre nous. Plusieurs d’entre nous ont travaillé sur la situation à l’école :
Quelles sont les langues parlées à la maison ?
Quelles sont les langues parlées à l’école ?
Où sont-elles parlées ?
Qui les parle ?
Des adultes entre eux ?
Des élèves entre eux ?
Des élèves à des enseignants ? Des enseignants à des élèves ?
Où ces langues sont-elles parlées ?

L’ARABE

Plusieurs d’entre nous parlent ou apprennent l’arabe.
C’est même la langue première de certains. Nous savons que d’autres enfants de l’école parlent ou apprennent l’arabe, alors nous nous sommes demandés s’il y avait beaucoup de gens qui parlent arabe à Terre Rouge.
Où est-ce qu’ils ont appris cette langue ?
Est ce qu’ils sont nés dans d’autres pays ?
Est-ce que c’est leurs parents qui leur ont appris cette langue ?

ILS OU ELLES NE PARLENT QUE FRANCAIS

Beaucoup d’entre nous parlent plusieurs langues mais beaucoup aussi ne parlent que français.
Nous nous sommes demandés quelle était la situation des personnes qui ne parlent que le français et si c’est un problème pour elles ?

LE JAPONAIS

Quand nous avons listé toutes les langues que nous entendions régulièrement dans nos maisons ou dans notre quotidien, plusieurs élèves ont parlé du japonais. C’était un peu étonnant car aucun d’entre nous n’est japonais. Alors nous avons cherché à savoir dans quelles circonstances ces personnes entendaient parler le japonais. Elles nous ont dit l’entendre à la télé en regardant des mangas ou des séries et aussi au dojo car plusieurs élèves font du judo.
Nous avons donc enquêté dans le quartier et aussi au dojo pour rencontrer des judokas et voir si on parlait vraiment là-bas.

TRANSMISSION / HERITAGE

Plusieurs d’entre nous ne parlent pas exactement les mêmes langues que leurs parents.
Les parents ne transmettent pas toujours les langues qu’ils parlent, nous nous sommes demandés pourquoi.
Nous avons aussi cherché à savoir si c’était utile de parler plusieurs langues ou si c’était un problème.

LA GLOTTOPHOBIE

Après avoir écouté un poème de Miguel Zamacoïs, nous avons fait un atelier d’anthropologie sur les accents. On a compris qu’un accent était une façon de parler différente que d’habitude : "Un écart à la norme linguistique."
C’était drôle d’écouter différents accents français mais ça nous a fait réaliser que parfois quand on rigole d’un accent d’une personne, celle-ci peut se sentir moquée ou agressée et peut-être que cela fabrique de la peur de parler.
Nous avons cherché à voir si des personnes du quartier avaient déjà fait l’expérience de la glottophobie.

2. NOS ANALYSES A L’ISSUE DE L’ENQUÊTE

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REPARTITION GEOGRAPHIQUE DES LANGUES DANS LE QUARTIER

Nous avons mené l’enquête à 42 endroits différents du quartier de Terre Rouge et un tout petit peu au-delà, surtout des espaces publics extérieurs : rues, places, jardins, devant des commerces et des arrêts de bus. Nous avons été aussi à l’intérieur de quelques magasins, institutions ou locaux d’associations (le centre paroissial, la gendarmerie, la poste, le centre de loisirs, le gymnase de Cabessut).
Enfin nous avons aussi enquêté au sein de l’école (dans des classes, dans la cour et à la cantine) et nous y avons aussi reçu des parents d’élèves pour faire des entretiens.
Ce qui est très frappant, c’est qu’il y a vraiment beaucoup de langues différentes parlées par les habitants mais que dans les rues, en fait, nous n’avons entendu que de l’arabe et du russe (devant des commerces).
La très grande diversité du quartier est donc surtout audible dans l’espace privé, domestique, chez les gens.
L’enquête montre aussi que 3 lieux concentrent une densité linquistique très importante et beaucoup plus importante que partout ailleurs : notre école, l’école publique Lucien Bénac, le Lycée Gaston Monnerville et la maison de l’association RERTR (plus de 6 langues à chaque fois).

LA SITUATION A L’ECOLE

L’école est effectivement l’un des deux lieux où il existe le plus de langues parlées.
Mais lorque nous avons enquêté auprès des élèves des autres classes et à la cantine, nous avons remarqué que c’est quasiment que le français que l’on entend.
Sauf un peu dans la cour, parfois, certains disent des mots en arabe (pour s’insulter souvent) ou en ukrainien ou russe mais c’est parce qu’ils ne parlent pas encore aussi bien le français.
L’anglais est aussi présent dans l’école mais seulement dans les classes, à des moments précis et c’est toujours un adulte qui parle pour l’enseigner aux élèves.

TRANSMISSION / HERITAGE

Toutes les personnes interrogées nous ont dit souhaiter transmettre leur langue, surtout à leurs enfants.
Pendant l’enquête, nous avons pourtant remarqué que certains décidaient de ne pas transmettre leur langue (on nous a parlé du vietnamien par exemple) mais nous n’avons pas réussi à savoir pourquoi.
Pour le dire de manière générale, en travaillant sur l’héritage et la transmission, nous avons vu 2 types de situation :

La première, qui concerne la plupart des personnes : elles transmettent leur langue sns forcément se dire qu’elles veulent le faire, cela se fait "tout seul, en parlant" comme on nous a dit.

La deuxième, concerne moins de personnes mais semble importante surtout pour les locuteurs arabes.
On nous a décrit des difficultés à transmettre l’arabe et plusieurs parents nous ont dit que leurs enfants "comprenaient l’arabe mais ne le parlaient pas vraiment." Sans doute parce que, d’après ce que nous avons compris, à part à la maison ou chez des amis, on dirait qu’il n’y a pas beaucoup d’endroits où c’est utile de parler arabe.

L’ARABE

En travaillant sur les pratiques de l’arabe dans le quartier, nous avons remarqué que la plupart des personnes qui parlent arabe ont cette langue pour langue première et sont nées dans des pays où on parle arabe. Les autres personnes locutrices de l’arabe sont souvent des enfants qui apprennent l’arabe, avec des cours, parce qu’ils ne l’ont pas vraiment appris chez eux.

LA GLOTTOPHOBIE

Beaucoup de gens du quartier ne connaissent pas le mot "glottophobie" et nous disaient qu’ils n’étaient pas concernés. Quand on a expliqué ce que c’était, au contraire, on nous a raconté de nombreuses petites agressions qui, à force, fabriquaient de la peur de s’exprimer : dans des magasains, dans l’école (dans la cour mais aussi en classe), en se moquant, en demandant de répéter de façon méprisante, etc.
La glottophobie semble donc être un phénomène présent à Terre-Rouge même si beaucoup ne s’en rendent pas compte.

LE JAPONAIS

L’enquête nous a permis de voir qu’assez peu de personnes parlent japonais à Terre-Rouge. En fait nous n’en avons rencontré aucune. Les personnes qui nous ont dit avoir entendu du japonais l’avaient entendu à la télé, en regardant des mangas ou des séries mais aucune d’entre elles ne le parlent. Il y a peu de chance pour qu’on entende le japonais dans la rue. Au dojo, nous avons des entretiens avec 3 judokas différents : le prof, la présidente du club de judo et un judoka de 13 ans.
Mais aucun ne le parle même le professeur qui dit connaître plus de 100 mots. On se demande donc comment évaluer ce qu’on connaît d’une langue lorsqu’on connaît beaucoup de vocabulaire mais qu’on ne sait pas faire une phrase.

ILS OU ELLES NE PARLENT QUE FRANCAIS

L’enquête montre que beaucoup de personnes qui parlent seulement le français aimeraient parler d’autres langues, surtout l’anglais, l’espagnol et le chinois pour pouvoir voyager ou travailler à l’étranger. En classe, nous avions vu que le mandarin et l’espagnol étaient la 2è et la 4è langues les plus parlées dans le monde, donc ce n’est pas surprenant.

Nous avons tout de même compris plusieurs choses : les personnes avec lesquelles nous avons échangé et qui ne parlent que français ont du mal à imaginer l’intérêt de parler plusieurs langues dans leur propre pays.

Elles pensent surtout à l’utilité pour des loisirs (comme les voyages) et pas vraiment aux choses nécessaires ou imposées par exemple ; ce qui est très différent de ce que beaucoup de personnes qui parlent plusieurs langues nous ont expliqué.

INVENTAIRE DES LANGUES

Plusieurs d’entre nous se sont occupés de rassembler les noms des 38 langues rencontrées pendant l’enquête. Ils les ont regroupés par familles de continents où elles sont parlées.

EUROPE
Russe
Tchéchène
Albanais
Arménien
Georgien
Turc
Ukrainien
Azéri
Anglais
Espagnol
Français
Grec
Italien
Portugais
Rom

Créole réunionnais
Langue des signes française

AFRIQUE
Plusieurs formes d’arabe : algérien, jordanien, marocain, yéménite
Berbère
Bambara (Mali)
Bini (+ forme dialectale Monda)
(Ki)Bushi
Boulou
Edo (Nigéria)
Kimbundu (Angola)
Lingala (Congo)
Maorais
Peul
Soninké
Swahili
Jula/Dioula (Côte d’Ivoire)

ASIE
Bengali (ou bangla)
Chinois
Hindi
Ourdou (Pakistan)
Pashto (Afghanistan)
Panjabi (Pakistan)

Il n’y a aucune langue d’Océanie et d’Amérique (à part l’anglais)
Les langues les plus représentées sont les langues européennes surtout de l’Est et les langues d’Afrique, surtout subsaharienne.

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CONCLUSION ET QUESTIONNEMENTS

L’enquête BABEL VOX a montré une très grande diversité de langues dans le quartier de Terre-Rouge, on se demande pourquoi c’est comme ça, et surtout on aimerait bien savoir s’il y a d’autres endroits où on parle autant.
C’est étonnant aussi de voir combien d’élèves à l’école ne parlent pas français à la maison, alors que dans la rue, on entend presque que cette langue. Est ce que ces langues resteront ou est-ce que tout le monde parlera français ?

Avec l’enquête, nous avons également compris que pour répondre à des questions sur les langues dans la ville, on doit se poser des questions qui n’ont rien à voir avec les langues au début.

Par exemple, pourquoi autant de personne quittent leur pays ? Pourquoi il y a des gens qui disent qu’ils sont marocains mais qui ne savent pas écrire l’arabe ? Pourquoi certaines personnes décident de ne pas transmettre leurs langues à leurs enfants ?

On se demande si on pourrait créer une langue universelle ? Ça pourrait peut-être faire disparaître la glottophobie et le racisme ?

QUELQUES TRANSCRIPTIONS D’ENTRETIENS MENÉS LORS DE L’ENQUÊTE

Désolés de vous déranger, est ce que vous avez deux minutes ?
Oh beh.. oui, ça va 2 minutes...

Euh, on est des enfants de l’éc…
…ah oui ! des enfants ? j’ai pas remarqué, dis !
Parce que tu parles tellement bien et poliment que j’me suis dit… ….des enfants de…
…bon alors ! (rires)

(en accéléré) …de l’école L. Bénac, et est ce que... on voudrait vous poser des questions : « Est ce que vous parlez une ou plusieurs langues ?"

Une seule, c’est suffisant !

Une seule... le français ?
Français, oui, oui oui..

Et est ce que vous avez des enfants ?
Non.

Ok. Euh, comment vous avez appris le français ? C’est à l’école ?
Ah ben oui mais avec mes parents surtout, c’est mes parents surtout qui me l’ont appris.

Ok, merci
Avec plaisir. Allez, bonne journée !

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Et juste, c’est quoi la glottophobie, du coup ?
Olena répond…
Ah d’accord…
Et du coup, moi je peux me permettre aussi une question ?
Est ce que vous, vous parlez d’autres langues que le français ?

Oui.
Moi je parle le roumain.

Et toi ?
Euh le russe…

Et toi ?
Le créole réunionnais…

Et vous du coup, les questions que vous m’avez posées, ça se passe comment pour vous, ça
vous est déjà arrivé d’avoir peur de parler votre langue ?

Euh, moi non, mais j’ai déjà subi de harcèlement à cause de ça, je savais pas encore parler français donc je me faisais harceler à cause de ça…

Ah ouais ? Ah ouais donc c’était pas très facile ça…
et la professeure aussi…quand on faisait par exemple de l’art plastique, j’étais toujours mis
de côté parce que soi-disant je pouvais pas comprendre….

Du coup, depuis tu as appris à parler français super bien !
Merci !

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-Bonjour, excusez-nous de vous déranger. Nous sommes des élèves de l’école Lucien Bénac et nous faisons une enquête anthropologique. Pourrions nous vous poser quelques questions : quelles langues parlez vous ?

Je parle anglais, français et aussi un peu le chinois...

-Merci !!!

C’est TOUT !????
Je vais vous dire quelque chose sur le chinois.
Un truc tout simple, nous en français on a, l’alphabet, avec des accents aigus, des accents
graves, des accents circonflexes.
Et bien ? en chinois, vous avez par exemple, « ma », comme en français « M -A », vous le prononcez MA ; Mais y’a aussi le MA avec un trait comme ça, vous le prononcez « ma » ! (grave)
et il y a aussi « ma » (aigu) « ma » (étiré).
ça fait 4 accents différents donc 4 significations différentes !
Ça peut très bien dire un gros mot, ça peut très bien dire un cheval.
C’est en fonction de la prononciation que le véritable mot va venir à vous.
C’est à dire que le MA en 4 accents différents va dire ou 1 gros mot, ou 1 gentil mot, ou le cheval...
La même syllabe aura 4 significations différentes en fonction de l’accent.

-Madame, y’a une autre question, comment ça se fait que vous parlez le chinois ?

J’ai été adoptée de l’île de la Réunion, par des lotois, je savais ni lire, ni écrire, on m’a adoptée à l’âge de 7 ans et demi, et après, j’ai su mes origines et quand j’ai su plus tard quelles étaient mes origines, j’ai voulu apprendre le chinois.
Parce que je suis d’origine chinoise et indienne et je suis née à la réunion et j’ai été adoptée par des lotois !
C’est pour ça que je suis ici à la retraite (grand rire). Voilà C’est pour ça que j’avais envie d’apprendre les langues.

Crédits photographiques : Mélissa Nayral, Mariette Bouillet et Cécile Dublanche-Colleu.

Le Séminaire EMPREINTES SONORES est rattaché à :
- LISST - Laboratoires interdisciplinaire Solidarités, sociétés, Territoires - de l’Université Toulouse Jean Jaurès
- CNRS - Centre national de recherches scientifiques
- EHESS - Ecole des hautes études en sciences sociales
- L’ISDAT - Institut supérieur des arts et du design de Toulouse
- LRA - Laboratoire de recherche en architecture de l’Ecole Nationale d’Architecture de Toulouse

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De nouveaux séjours enfants et ados ! Eté 2024 !


Durant l’été 2024, en plus de ses habituels séjours "théâtre" pour enfants et adolescents, OCTopus RITMO propose d’autres camps artistiques. Pour les ados, 2 camps où la pratique linguistique se conjuguera à la pratique théâtrale : un séjour "Théâtre et Anglais" (4ème édition) et un séjour "Théâtre et Espagnol" (nouveauté). OCTopus RITMO inaugure une collaboration avec la Compagnie musicale BATOUK46 pour un séjour où l’écriture de textes par des adolescents sera mise en musique, en chansons pour aboutir à un concert théâtralisé. Enfin, nous poursuivons notre collaboration avec la Compagnie Piste au nez de la balle pour un stage Théâtre-cirque pour enfants.

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